Combattants et travailleurs coloniaux en Béarn
Camps de soldats et inquiétude à Pau
Quizz
Le Syndicat d’initiative, responsable de l’accueil des personnes en villégiature (on parlerait aujourd’hui de touristes aisés) et des « hivernants » britanniques, russes ou français à Pau et le Conseil municipal ont peur des effets très négatifs de l’implantation éventuelle d’un camp pour combattants sénégalais près de la ville. Ils craignent que cela dissuade ces personnes de venir dans la station climatique de Pau.
Le Président du Conseil précise que ce type de camp de regroupement de combattants sénégalais existe déjà sur la Côte d’Azur, grande région d’accueil de ce type de « touristes » hivernants en France et que cela ne pose pas de problème. Il impose donc en quelque sorte à Pau et à ses habitants d’accepter sans réclamation.
Dans ce document datant de la semaine suivante, une rumeur plus inquiétante pour la population est signalée : le fort contingent de troupes noires serait peut‐être logé chez l’habitant dans les communes situées entre Pau et Nay. Les autorités ont démenti, mais la visite d’un responsable militaire venu de Bayonne et du service des Ponts et Chaussées, sans qu’aucune information ne filtre, sur un terrain situé entre Morlaàs, Ousse et Idron ravive les inquiétudes.
Ce document est une transcription de télégramme sur papier pelure qui comporte les codes chiffrés correspondant aux mots ou morceaux de phrase afin de pouvoir ré‐encoder une éventuelle réponse de manière plus rapide. Le plus souvent les télégrammes qu’on trouve dans les fonds d’archives sont des télégrammes postés et décachetés. Les messages sont rédigés en capitales sur des bandes de papier bleu (qui sortent de l’appareil transcripteur) et sont collés en ligne sur l’enveloppe.
Les événements relatés sont un incident grave survenu au camp d’Idron, qui regroupe deux unités distinctes, l’une de soldats annamites (Indochinois) et l’autre, de combattants sénégalais. Une dispute entre un Sénégalais et un Annamite tourne à l’affrontement sanglant. Il y a 14 morts et 20 blessés.
La population, à qui on a annoncé l’arrivée de nouvelles troupes sénégalaises logées chez l’habitant, est de plus en plus inquiète. En effet, non seulement des troupes coloniales sont‐elles cantonnées de manière provisoire aux abords de Pau, dans de mauvaises conditions de vie, mais les tensions sont renforcées par la présence d’un grand camp de travailleurs coloniaux au camp d’aviation du Pont‐Long.
Le maire de Pau dénonce que « les inconvénients et les dangers qu’ [il avait] signalés n’ont pas tardé à se manifester » . Il veut montrer que ses craintes étaient justifiées. Avec un ton ouvertement raciste, et paternaliste, il déplore les conséquences très alarmantes de la présence de nombreux « nègres » en Béarn et même dans Pau. A mots à peine couverts, il les présente comme des enfants que l’on doit « dresser », tous mal nourris, mendiant ou circulant en état d’ivresse dans les rues de Pau le dimanche. Pour lui, cela représente un danger pour les femmes et les enfants, surtout dans les fermes et les villages où ils sont cantonnés, car tous les hommes dans la force de l’âge sont au front « nos braves soldats béarnais… [qui] viennent en permission, […] trouvent […] leur petite maison occupée par 30 ou 40 nègres ».